Comment les radiations spatiales influencent la santé des astronautes

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Les chiffres ne mentent pas : lors d’un séjour d’un an à bord de la Station spatiale internationale, un astronaute reçoit une dose de radiations équivalente à plusieurs centaines de scanners médicaux. Les chiffres fascinent, mais ils inquiètent surtout. Car derrière la prouesse technique, la conquête spatiale expose les corps à des périls invisibles, que nul blindage ne stoppe totalement. Les radiations, omniprésentes entre la Terre et Mars, traversent l’acier, se moquent des frontières humaines, et s’attaquent au vivant jusque dans ses fondations.

Les missions spatiales prolongées posent ainsi une problématique d’envergure pour la santé des astronautes. L’exposition aux radiations reste l’un des principaux obstacles à surmonter. Issues du Soleil ou d’autres régions de la galaxie, ces radiations parviennent sans peine à franchir les parois des vaisseaux et à s’enfoncer dans les tissus humains, provoquant des dégâts aussi bien cellulaires que génétiques.

Les études scientifiques établissent un lien entre cette exposition et une augmentation du risque de cancer, des atteintes au système nerveux central, voire des troubles cardiovasculaires. À l’heure où les agences spatiales préparent des expéditions vers Mars, et bien au-delà de la Lune, la lutte contre les radiations prend une dimension prioritaire pour préserver la vie des équipages.

Comprendre les radiations spatiales

Dans l’espace, plusieurs formes de rayonnement menacent la santé humaine. Deux d’entre elles concentrent les inquiétudes : le rayonnement cosmique galactique (RCG) et les particules solaires. Le premier, constitué de particules à haute énergie venues de l’extérieur du système solaire, sillonne l’espace interstellaire pour atteindre notre environnement. Les particules solaires, quant à elles, sont projetées lors d’éruptions du Soleil et filent à des vitesses impressionnantes. Quand elles frappent un organisme, les cellules subissent des dommages profonds, et le risque de maladies graves grimpe en flèche. Le rayonnement ionisant, qu’il soit d’origine naturelle ou créé par l’homme, a la capacité de modifier l’ADN et de perturber les mécanismes biologiques fondamentaux.

Pour y voir plus clair, voici les différents types de rayonnements auxquels les astronautes sont confrontés lors de missions spatiales :

  • Rayonnement cosmique : Énergie parcourant l’espace sous forme d’ondes ou de particules, représentant un danger concret pour les équipages.
  • Rayonnement ionisant : Susceptible de causer des dégâts sévères aux cellules vivantes, jusqu’à provoquer des mutations et l’apparition de cancers.
  • Rayonnement issu de sources artificielles : Généré par les réacteurs nucléaires et d’autres installations créées par l’homme.
  • Rayons cosmiques galactiques : Particules venues de l’extérieur du système solaire, avec un impact notable sur les tissus humains.
  • Particules solaires : Libérées lors d’éruptions solaires, elles constituent une menace directe en cas d’exposition massive.
  • Rayons piégés par le champ magnétique terrestre : Stockés dans les ceintures de Van Allen, ces rayons peuvent aussi s’avérer dangereux.

Le champ magnétique terrestre et les ceintures de Van Allen forment un bouclier naturel contre la majorité de ces rayonnements. Mais dès que l’on quitte cette protection, comme lors d’un voyage vers la Lune ou Mars, la dose de radiations grimpe, et la nécessité de renforcer les solutions de protection devient pressante.

Les effets des radiations sur la santé des astronautes

Dans l’espace, l’exposition prolongée aux radiations entraîne des conséquences lourdes sur l’organisme. Le généticien Christopher Mason, de l’Université de Cornell, s’est penché sur le cas de Scott Kelly, resté près d’un an à bord de la Station spatiale internationale. Son travail révèle des altérations profondes de l’ADN, des mutations cellulaires et une augmentation du risque de cancer.

Les principales conséquences sur le corps humain, confirmées par la recherche et les témoignages d’astronautes, sont les suivantes :

  • Altérations de l’ADN : Les radiations endommagent la structure génétique, provoquant des mutations et des anomalies parfois irréversibles.
  • Risque de cancer : L’exposition à ces rayonnements augmente la probabilité de voir apparaître différentes formes de cancers.
  • Effets neurologiques : Certaines études pointent des atteintes au système nerveux central, avec des conséquences sur les capacités cognitives.

Des astronautes ayant passé plusieurs mois dans la Station spatiale internationale, comme Butch Wilmore et Suni Williams, ont signalé des effets secondaires attribués aux radiations, sur la santé globale comme sur la vision. Jessica Meir a rapporté l’apparition du syndrome neuro-oculaire associé à l’espace (SANS), caractérisé par des troubles visuels liés à une modification de la pression intracrânienne, phénomène accentué par la présence de radiations.

Études de cas et observations

L’expérience des jumeaux Scott et Mark Kelly a constitué une occasion rare d’observer ces effets. Tandis que Scott vivait dans l’espace, Mark demeurait au sol, servant de base de comparaison. Les analyses ont mis en évidence des différences marquées dans l’expression génétique, illustrant l’impact concret des radiations sur la santé humaine.

Le Français Thomas Pesquet a lui aussi enrichi les connaissances sur le sujet, en rapportant des données précises de ses séjours en orbite. Ces contributions rappellent l’urgence de développer des stratégies de prévention et de protection robustes pour les astronautes des prochaines générations.

astronautes santé

Stratégies de protection et prévention

Face à ces menaces, la protection des équipages requiert une approche multiple et coordonnée. La NASA, avec le concours de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et du National Council on Radiation Protection and Measurements (NCRP), expérimente des solutions pour limiter l’exposition des astronautes.

Technologies et infrastructures

Les innovations en matière de blindage et de conception des habitats spatiaux occupent une place centrale dans cette stratégie :

  • Blindage avancé : Intégration de matériaux comme le polyéthylène et les composites de carbone, capables d’absorber une partie des rayonnements.
  • Modules renforcés : Certaines sections de la SSI sont spécialement protégées, servant de refuge temporaire pendant les épisodes de forte activité solaire.

Surveillance et alerte

Le Space Radiation Analysis Group (SRAG) de la NASA veille en permanence sur les niveaux de radiations dans la SSI. En partenariat avec la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), il émet des alertes en cas d’augmentation des particules solaires.

Recherche et développement

Le rover Curiosity, en activité sur Mars, a permis de recueillir des données inédites sur l’intensité des radiations. Ces informations sont précieuses pour préparer les futures missions humaines vers Mars et la Lune.

Initiatives privées

Des entreprises telles que SpaceX, sous l’impulsion d’Elon Musk, participent activement à la recherche de solutions. Leurs plans de voyage vers la Lune et Mars intègrent des systèmes de protection toujours plus performants.

Préparation médicale

Le Groupe multilatéral des activités médicales de la station (ISS MMOP) et le Groupe de travail sur les rayonnements (RHWG) élaborent des protocoles pour détecter, surveiller et prendre en charge les effets des radiations sur la santé des équipages.

En combinant ces différents leviers, les agences spatiales et leurs partenaires privés progressent dans la sécurisation des vols habités. La conquête humaine de Mars se jouera aussi sur ce terrain invisible : celui de la lutte contre les radiations, où la science, la technologie et la vigilance médicale devront composer avec l’imprévu cosmique. Un défi à la mesure des ambitions spatiales du XXIe siècle.